Le second et ultime album (inachevé) de Jeff Buckley, disparu le 29 mai
dernier dans les eaux du port de Memphis, sortira un peu moins d'un an
après sa mort. L'événement, aussi précieux et
bouleversant soit-il pour ses admirateurs, ne pourra éclipser
l'évidence qui s'impose dès la première écoute des
bandes : avant d'être une trace intime, la chronique d'un amour perdu,
Sketches for My sweetheart, the drunk est avant tout un très
grand disque. Rien de moins que l'éblouissant reflet d'un talent radieux
et épanoui, heureux de vivre et de travailler à ses nouvelles
chansons. Ici réside le grand choc de The Sky is a landfill, de
Yard of blonde girls : l'homme qu'on y entend chanter (magnifiquement)
n'est pas triste, pas fragile. C'est un Buckley enflammé mais appliqué, concentré sur son sujet. Le parti pris de ce double album est d'une simplicité et d'une dignité sans faille : ces vingt chansons plus ou moins abouties, plus ou moins habillées - mais peu importe, puisque la nudité leur va si bien - montrent le lent et fascinant ouvrage d'un musicien qui préparait son grand retour à la lumière. Jeff Buckley, homme joyeux (pas maudit, pas dépressif), avait prévu de vivre vieux : par défaut, ses disques le feront à sa place. Sortie le 5 mai. |